Pourquoi la formation ?

On ne mesure pas toujours les effets que peut produire un stage. Zoé Gesnel revient sur son parcours et partage ce qui a transformé sa pratique professionnelle. La formation peut changer le cours d’une carrière.

 

1994, toute jeune diplômée auxiliaire de puériculture, je commence ma carrière dans une crèche collective hospitalière à Villejuif. Ma principale mission est d’accompagner de jeunes enfants tout au long de la journée, dans les temps de soins mais aussi d’éveil. Ma formation m’a apporté quelques notions sur les activités à proposer à des enfants de moins de 3 ans, cependant je suis démunie : comment conduire ces activités, dites d’éveil ?

 

PREMIERS PAS

 

Il me semble suffire de mettre à la disposition des enfants des jouets et de leur expliquer « le mode d’emploi » des activités que je leur propose. Dans cette optique, les gommettes sont à coller à l’intérieur de l’image imprimée sur la feuille, les livres d’histoires, que je raconte avec plaisir, sont écoutés par l’ensemble du groupe, sagement assis sur un tapis. Je rappelle prestement la consigne à l’enfant qui se lève : quand je lis, on doit rester assis. En revanche, je peux interrompre ma lecture pour répondre à une question de ma collègue. Bien évidemment, je suis convaincue de participer au bon développement cognitif des enfants et je suis très fière d’afficher sur les murs la « production » résultant des activités de la journée. Je suis flattée en entendant les parents s’extasier devant les travaux de leurs enfants qui ont si bien respecté la consigne, signe d’une grande intelligence de leur part et d’une grande pédagogie de la mienne.

En 1995, un an après ma prise de fonction, la directrice me propose une formation sur la musique avec Enfance et Musique. Une formation de plusieurs jours avec Agnès Chaumié1, dans les locaux de la crèche. En l’acceptant, je ne sais pas encore à quel point cette formation va révolutionner ma façon de proposer et d’accompagner les enfants dans leurs activités d’éveil.

La crèche est dotée d’une salle consacrée à la musique. Des caisses contenant des instruments occupent l’espace le long des murs. Lorsque je décide d’y amener un groupe d’enfants, j’ouvre la porte, ils se précipitent vers les caisses, les vident et manipulent les instruments, dans tous les sens. Ce désordre me stresse énormément et bien souvent l’activité est rythmée par mes injonctions à ranger, à se calmer, à arrêter de crier… 

 

UNE NOUVELLE POSTURE

 

Je précise que je n’ai aucune compétence particulière en musique. Cette formation m’a fait prendre conscience de l’importance à penser nos objectifs pour l’activité partagée avec les enfants. J’ai appris à créer une ambiance propice à l’imagination, à la créativité, au plaisir. Cela demande à l’adulte d’être disponible, attentif aux propositions des enfants, dans le respect de ce qui se vit sous ses yeux. 

J’ai appris aussi à préparer mon activité musique : j’installe mon espace en choisissant les instruments, je peux en cacher sous un tissu et créer ainsi un effet de surprise, ou encore les disposer afin de susciter chez les enfants l’envie de les découvrir. Je me prépare mentalement : il est indispensable d’entrer soi-même dans une musicalité, par la voix, par les mouvements. Je me donne certaines règles, ne pas parler mais chanter, et si je dois intervenir auprès d’un enfant, je m’approche, je parle doucement pour éviter ainsi les micros ruptures qui, en général, suffisent à déconcentrer les enfants. Cette consigne doit également être respectée par les adultes susceptibles d’être dans la même pièce. 

Par ailleurs, j’ai en tête quelques chansons que je pourrai chanter et rechanter. Pendant cette formation, j’en ai appris de nouvelles. J’ai pris conscience que l’on peut « oser chanter », inventer, jouer avec les sons, utiliser les instruments sans crainte d’être « évalué » par ses collègues. J’ai pris confiance en moi et je peux la transmettre aux enfants. Je me suis défaite de mes attentes pour simplement être dans le partage et le plaisir d’être ensemble. Nous avons travaillé l’écoute et l’observation. Nous avons aussi mis en pratique en animant des séances musique, entre adultes puis avec un groupe d’enfants. Dans une écoute active, je peux alors entendre un rythme initié par un enfant, le reprendre et dialoguer avec lui de manière singulière. Sa créativité est ainsi valorisée, je nourris son estime personnelle, si importante pour sa construction. Ces moments qui étaient autrefois chaotiques sont devenus harmonieux. Chaque séance est unique, un temps où les émotions s’expriment librement.

La formation a fondamentalement changé mes pratiques. En effet, j’ai transposé cette posture à l’ensemble des ateliers que je propose aux enfants. Je prépare, j’observe, je crée l’ambiance et surtout je n’ai pas d’attentes précises si ce n’est d’offrir aux enfants un espace dans lequel ils peuvent expérimenter, essayer, s’arrêter et revenir.

 

TRANSMETTRE À L’ÉQUIPE

 

En 2010, je suis éducatrice de jeunes enfants, suite à une VAE (Validation des acquis de l’expérience). En poste dans une crèche collective de 60 berceaux à Corbeil-Essonnes, j’ai pour mission d’accompagner les professionnelles dans leurs pratiques. Je les observe donc et constate leurs difficultés à adapter leurs activités aux besoins des enfants qui ont un monde intérieur très riche. Ils se laissent porter par leur imaginaire, tous leurs sens sont en éveil. Ils ont besoin d’être reconnus dans leurs compétences et la professionnelle est là pour les soutenir et les encourager dans leurs expériences. En adoptant une posture bienveillante, attentive et à l’écoute, l’adulte permet à l’enfant de se construire en toute confiance. L’adulte qui les accompagne partage ce contentement mutuel et continue lui aussi à grandir.

Afin de guider mes collègues auxiliaires de puériculture dans leurs activités, je leur propose un projet en trois étapes. Je mène une activité, peinture, musique ou motricité, en présence d’une professionnelle. Elle reste en retrait et observe ce qui se passe pour moi et pour les enfants. À la fin de l’activité on se réserve un temps d’échanges. Dans un deuxième temps, nous menons l’activité ensemble, puis à nouveau, nous échangeons sur notre ressenti et nos observations. Enfin, l’auxiliaire mène seule l’activité, et à mon tour j’observe.

Le retour de ce projet est très positif, je conforte mes collègues dans leurs compétences, en tenant compte de leurs suggestions et je constate que les pratiques évoluent petit à petit. Pour renforcer leur motivation je fais intervenir, en collaboration avec la directrice, l’association Pikler Lóczy pour une journée pédagogique sur le jeu. 

En 2021, je suis directrice d’une crèche collective de 40 berceaux à Corbeil-Essonnes. Le projet du service petite enfance est de valoriser l’éveil culturel et artistique dans les EAJE de la ville. 

Dans ce cadre, je programme un spectacle d’Agnès Chaumié, les auxiliaires de puériculture sont surprises d’observer les bébés, attentifs, exprimant leur plaisir, ils réagissent et participent avec leur voix et leur corps.

 

PARTAGER L’EXPERTISE DE TERRAIN

 

Je contacte et organise des rencontres à la médiathèque. L’intervenante jeunesse a été formée par l’association A.C.C.E.S. : elle pratique la lecture individuelle, alterne entre chansons et histoires, laisse les enfants manipuler les livres et invite les accompagnatrices à participer.

Chaque rencontre est l’occasion d’échanger ensuite avec l’équipe sur les réactions des enfants et la posture de l’intervenante. Elles sont motivées et adoptent la pratique de la lecture individuelle dans leur section. Elles acceptent que les enfants aient besoin de bouger pendant la lecture, constatent qu’ils sont, pourtant, dans l’écoute.

En cette année 2022, je change de structure. Je vais rejoindre le multi-accueil de 25 enfants de Gretz-Armainvilliers en Seine-et-Marne. Mon objectif est de transmettre ce que j’ai acquis, par mon expertise du terrain et ces formations qui parfois peuvent changer le cours d’une carrière et nos évidences pédagogiques. Je souhaite continuer à valoriser l’éveil culturel et artistique chez les jeunes enfants, convaincue qu’il est un levier pour leur épanouissement, qu’il apporte une ouverture sur le monde et sa compréhension et participe aussi au bien-être des professionnelles en partageant avec les enfants des temps forts en émotions positives.

 Zoé Gesnel

1 – Agnès Chaumié, musicienne et formatrice Enfance et Musique.
Association Un air d’enfance :  www.agneschaumie-unairdenfance.fr

Territoires d’éveil n°24

Publication : Juin 2022
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