Photos Camille Greatorex et L'Objectif Durable

Le tout-petit festival

La dixième édition a célébré des retrouvailles et aiguisé de nouvelles curiosités. Un rendez-vous joyeux dans la campagne nantaise.

 

Niché dans les jolies communes d’Erdre et de Gesvres, non loin de Nantes, s’est déroulé du 13 au 20 octobre, le Tout-petit festival, qui s’adresse aux très jeunes enfants, des bébés aux maternelles.

Depuis dix ans, Mickaël Bougault et son équipe invitent des artistes de tous bords – cirque, danse, mime, musique, théâtre d’objets, cinéma – à partager des moments de rêves, de poésie, conçus sur mesure. Un festival qui a compris ce dont ont besoin les plus jeunes pour grandir et s’épanouir. Preuve en est l’invitée de marque de cet anniversaire qui a ouvert les festivités, la psychologue Sophie Marinopoulos, auteure du Rapport sur la Petite Enfance et la Culture, venue partager le fruit de ses expériences et de ses observations avec un public de professionnels, partenaires depuis les débuts du festival. L’occasion pour elle de rappeler l’idée force qui ressort de son travail : la culture est un « lait symbolique » qui permet aux enfants dès leur naissance de grandir en bonne santé. 

 

RÉINVENTER LES LIEUX

 

D’où l’importance de manifestations comme le Tout-petit festival dont les artistes invités ont déjà réfléchi à la question, sur le plan artistique tout autant qu’économique : en effet, les spectacles pour les tout-petits nécessitent de repenser à la fois l’espace, le temps, l’accueil…

Chaque compagnie réinvente les lieux qui lui sont offerts, pour les adapter à ce très jeune public. À Petit-Mars, les enfants sont accueillis par un chemin de lumières jusqu’à l’intérieur du gymnase Fernand Sastre, rétréci par des rideaux noirs et reconverti en chapiteau de cirque, avec gradins en bois, lumières de bal populaire et sur la petite scène une accumulation d’objets : roues de vélos, un violoncelle droit comme un i, filins sur lesquels glisseront d’improbables avions, carènes de bateaux qui deviendront des coffres à trésors, ventilateurs au cœur du spectacle La mécanique du vent. 

À Treillères, la compagnie Les cailloux sauvages a réquisitionné un coin de la salle Simone de Beauvoir pour y installer une structure métallique surélevée. C’est à l’intérieur de cette scène minuscule, un peu matricielle, que les corps des deux comédiens-danseurs parviendront, en un jeu sans cesse renouvelé d’enroulements, d’emboitements, de glissements, à manipuler en silence objets et matières, qu’ils font apparaitre comme par magie de dessous la scène : cuillères en bois, petits gants de laine, tissus fluides, avec lesquels ils construisent des mondes aussi vastes qu’ils sont petits.

À Fay-de-Bretagne, la compagnie Voix Libres n’occupe que la moitié de la salle de spectacle : les gradins disparaissent dans le noir tandis que se dévoile un espace en arc-de-cercle, bordé de petites chaises et de coussins ronds où se déploie une salle de concert en miniature : un grand bol de graines sonores, un bodhran1 suspendu au centre comme une lune, un récipient d’eau transparent, de longues flûtes en bois et métal descendent des cintres, éclairés d’une lumière bleutée… Une chambre d’enfant au désordre savamment pensé ? Le spectacle est tissé comme une dentelle, orchestré comme un rituel qui fait chanter tour à tour l’eau, l’air, le feu… Charlène Martin orchestre et interprète cette pièce pour voix et percussions, qui joue des textures, des sons, des gestes dans une improvisation qui n’est qu’apparente : « Improviser, c’est se connecter à notre capacité à jouer, comme les enfants », affirme la musicienne.

 

LE LIEN AVEC L’ENFANCE

 

Qu’est-ce donc qui donne envie à des artistes de s’adresser à ce public ? Pierre Viatour et Sara Olmo, de la compagnie belge le Théâtre de la Guimbarde, sont les protagonistes du spectacle Cache-Cache, dans lequel ils partagent la scène avec deux oreillers, deux couettes et une table pour une série de thèmes et variations très ludiques sur ce jeu si prisé des tout-petits. « Pour nous, ces spectacles sont des clefs pour que les enfants accèdent à la beauté du monde. C’est un public idéal, il n’est pas encore dans un protocole préétabli et nous offre ainsi un espace de liberté, tout en demandant un engagement à deux cents pour cent ; avec le tout-petit, on expérimente vraiment le « ici et maintenant », on est à nu, dans le vrai ». Cache-cache témoigne aussi de l’une des qualités que possèdent tous les artistes rencontrés : maintenir le lien avec sa propre enfance ! « Nous n’empruntons pas aux enfants leur univers pour construire nos spectacles, affirme Charlène Martin, nous allons puiser au plus profond de nous-même dans cette mémoire du monde magique qui a été le nôtre ».

Autre caractéristique de ces spectacles très jeune public, la polyvalence des artistes et des contenus. Difficile de dire si l’on assiste à un spectacle de musique, de danse ou de théâtre. Les arts complémentaires y sont souvent convoqués et font ainsi appel à cette sensibilité, cette sensorialité première qui fait partie des premiers outils du bébé pour comprendre le monde. Dans Plein de (petits) Riens, c’est un voyage primitif, et parfois inquiétant, auquel nous convient Francesca Sorgato et Emmanuelle Zanfonato, tour à tour danseuses, chanteuses ; elles jouent avec des feuilles, des cailloux, du bois et invitent les enfants à se laisser guider par leurs sens. 

Malgré la crise sanitaire, le public est au rendez-vous, les maternelles sur le temps scolaire et les familles pour qui le festival est devenu incontournable. Pari réussi donc pour Mickaël Bougault, chargé de mission Petite Enfance pour la communauté de communes Erdre-Gesvres et responsable de la programmation du festival. « Un parcours professionnel en zigzag », comme il le dit lui-même, le prédispose à monter des projets de décloisonnement et à sensibiliser les élus, manifestement prêts à se mettre en mouvement sur ces thèmes. 

 

UNE POLITIQUE CULTURELLE DE TERRITOIRE 

 

En 2013, la Communauté de Communes s’est engagée dans une démarche de projet culturel de territoire avec le soutien du Conseil départemental de Loire-Atlantique et de l’État, ministère de la Culture, pour la période 2014-2018. À l’issue d’une évaluation concertée en 2018, elle a souhaité poursuivre le développement culturel en s’engageant avec ses partenaires pour une nouvelle convention 2019-2022.

Le festival est la partie la plus visible de cette politique culturelle de territoire2. La formation des professionnels de la Petite Enfance aux pratiques artistiques, comprenant des ateliers de danse, de chant, d’expression corporelle est complétée par des actions culturelles, en particulier des résidences d’artistes ; enfin un événementiel, donnant à voir et à entendre les voix des artistes ouvre la proposition Hors saison qui se déploie tout le reste de l’année depuis six ans. Née de l’idée de poursuivre les offres culturelles pour les publics qui ont grandi, de sortir des lieux traditionnels de la culture en proposant d’autres découvertes (péniches, promenades…), Hors saison travaille en partenariat avec l’Éducation nationale, incluant dans ses projets 37 établissements scolaires, de la maternelle au lycée. Les spectacles vivants sont accompagnés d’ateliers, dont les associations, les médiathèques, les structures locales sont parties prenantes. Une réflexion collective sur la mobilité rurale est actuellement menée par le Groupe Alice3 qui sillonne depuis un an le territoire pour aboutir en décembre 2020 à la réalisation d’un spectacle de docu-fiction, Travel(l)ing qui nourrit la question-clé de toutes ces actions : « Comment le regard artistique peut-il interroger les problématiques publiques ? »

Dominique Boutel

1 – Bodhran : tambour sur cadre utilisé dans la musique irlandaise.
2 – Ce projet est mis en œuvre dans le cadre de la démarche partenariale Projets Culturels de Territoire, proposée par le Département aux intercommunalités de Loire Atlantique et bénéficie d’un soutien technique et financier du Département et de l’État – Direction régionale des affaires culturelles des Pays de la Loire (DRAC). www.loire-atlantique.fr
3 – Groupe Alice : groupe artistique accompagnant les résidences de territoire

Le Tout-petit festival
Hors-saison
Communauté de Communes d’Erdre & Gesvres
1, rue Marie Curie
44119 Grandchamp-des-Fontaines
Service Culture
Tél. : 02 28 02 22 52
www.letoutpetitfestival.com
www.hors-saison.fr

Territoires d’éveil n°19

Publication : Nov 2020
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