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© Guy Prunier

Les contes, les histoires, les légendes… c’est du sérieux ?

Ouvrir les espaces de l’improbable, du merveilleux, de l’extraordinaire.
Les mots du conteur tissent des histoires communes et intimes. Dans l’éventail des propositions artistiques, il est grand temps de leur donner la parole.

 

Récits mythiques, religieux, critiques, poétiques, amusants ou politiques ? Paroles divines ou symboliques, textes sacrés ou divertissements profanes, domaines réservés ou matières offertes à toutes et tous ? Il semblerait bien que l’on se raconte des histoires depuis les débuts de l’humanité. Et ce n’est sans doute pas bien longtemps après le début de la conscience humaine que l’on a dû commencer à discuter de la nature et de l’usage de ces récits !

Que de lorgnettes il aura fallu, pour essayer de cerner la bête « conte », multiforme et polymorphe. Anthropologues, artistes, pédagogues, psychologues, prêtres ou poètes ont fait observations et hypothèses, donné des avis… Lourd héritage pour les modestes conteuses et conteurs d’aujourd’hui, qui se demandent s’ils et elles ont le droit de risquer leurs mots ?

Réjouissons-nous de cet immense espace de recherche, de ce vaste répertoire, puisons dans ce riche passé. Cultivons-nous avec passion pour affiner notre parole, approfondir notre propos mais sachons également tout oublier – sauf l’histoire et le public – quand il s’agit de raconter. Soyons savants mais restons naïfs.

Dès le début de l’humanité, il est bien possible que l’humour et le sérieux se soient côtoyés. Peut-être même que les hommes et les femmes préhistoriques, élaborant les premiers mythes, se racontaient aussi de joyeuses blagues, juste pour rire ?

 

 EMBARQUEMENT POUR L’AVENTURE

 

Commencer par prendre un peu de temps, coincer la bulle, une belle bulle d’empathie, assez grande pour s’y tenir ensemble. Inviter le monde à s’asseoir. Trouver la bonne distance pour être entendu. Croire en ses mots, en ses gestes, en l’expression de ses émotions. Prendre un vieux conte que l’on aime suffisamment et que l’on connaît bien. Le redécouvrir pour soi-même déjà, avec curiosité et enthousiasme.

Le jeu commence, vous allez refaire le chemin avec le public. Personne ne bouge, tout le monde voyage. Et quel voyage !

« C’était au temps où les poissons volaient dans le ciel, où les oiseaux couraient à quatre pattes et les chevaux le soir galopaient sur les vagues ». La « surréalité » annoncée du conte permet à l’improbable, à l’extraordinaire, au merveilleux d’ouvrir un espace dans lequel les personnages ne sont aucun d’entre nous. Pourtant chacun, chacune, pourra s’identifier à l’un de ces personnages, s’«inventrouver » une ressemblance. Cette rencontre entre imaginaire et réalité individuelle fait du conte, une aventure poétique, symbolique et nourrissante. Nous faisons parler l’imaginaire. L’imaginaire parle de nous. Celui ou celle qui écoute silencieusement est loin d’être inactif : il donne son sens à l’aventure, ses directions personnelles qui pourront être sensiblement différentes de celles du voisin ou de la voisine. Et de de cette diversité naissent de belles connivences, et rêvons le, de beaux liens invisibles et paisibles qui se tissent quand on a partagé un temps d’histoires en commun.

Oui, le conte est aussi un plaisir de groupe. Bien sûr, il suffit d’être deux pour faire « sonner » un conte, un locuteur et un récepteur. Mais quelle force il gagne quand il est partagé en groupe, quel plaisir d’être parmi les autres quand on vous raconte des histoires qui évoquent notre humanité !

Ses champs sont immenses mais ne nous laissons pas impressionner. N’ayons pas d’autre ambition que de porter le public vibrant jusqu’au bout de l’histoire. Sur le coup de l’émotion, de la force des symboles et armé de son sens critique, chacun trouvera ses prolongements.

Conteuses, conteurs, même si nous avons en tête quelques intentions, ne laissons rien paraître, laissons-nous surprendre même. Le public moudra son grain.

Pour finir, ne pas oublier de « décoincer » la bulle, la réalité est impatiente de retrouver les rêveuses et les rêveurs, plein de désirs de vivre. Remercier ceux et celles qui ont bien voulu donner de leur temps pour écouter. Peut-être qu’on vous saura gré d’avoir offert le vôtre.

À quel âge peut-on commencer à entendre une histoire ? Dès ses premiers instants ou peut-être même avant sa naissance, le bébé peut entendre et goûter aux histoires. Comment ?! Alors qu’il ne connaît pas encore le sens des mots ? Et que les concepts indispensables à la compréhension ne sont pas encore acquis ?

Il est sans doute vrai que le bébé ne comprend pas grand-chose à ce qu’on lui raconte mais l’absence d’images mentales n’empêche en rien le tout-petit de percevoir les signes d’empathie que lui donne le premier conteur ou la première conteuse qui s’adresse à lui, parents, grands-parents, nourrices… Le bébé ne connaît pas le sens de tous les mots mais peut-être en découvre-t-il la chaleur ? Cette chaleur de l’interprétation symbolique qui relie son ressenti au sens que le conteur remet en vibration entre le corps, les mots et l’imaginaire qui réinterprète et réactualise sans cesse les mystères de la vie. 

 

ET LES TOUT-PETITS LÀ-DEDANS ? 

 

Si le nourrisson a besoin de voir, d’entendre, de sentir ce qu’il perçoit quand on lui raconte une histoire ou qu’on lui chante une berceuse, c’est l’intention bienveillante à travers les modulations de la voix, la vibration du corps. Il est sous le charme, c’est du plaisir. Le conte comme la chanson prolonge le sourire. Le petit enfant en confiance, glanera les bonheurs sympathiques et empathiques, les surprises sonores et visuelles du chemin. Le monde est une langue étrangère à apprivoiser.

Tout comme nous, adultes, quand nous écoutons une chanson dans une langue étrangère, nous pouvons être étrangement touchés ! L’artiste comprend et vibre à ce qu’il ou elle chante et nous, nous sommes émus par la présence et l’émotion de l’autre, séduits par la beauté du chant, fiers et émerveillés d’être humains. Nous sommes réjouis d’être émus à l’unisson et comme nous n’y comprenons rien ou pas grand-chose, nous gardons la liberté d’inventer notre « traduction ».

À l’occasion d’un stage que j’animais sur le thème du conte et de l’objet, une stagiaire m’a demandé s’il n’était pas gênant de jouer avec des objets que les enfants d’un an ne connaissaient pas.

À mon avis, il en va des objets comme des mots. Il n’est pas nécessaire de connaître l’usage initial d’un objet pour le détourner et les enfants sont de grands joueurs explorateurs. Une théière peut devenir cheval, une boîte et son couvercle peuvent être une dame et son chapeau, une petite basket rouge, une fille intrépide et un escarpin bleu, un élégant loup. Par la magie du « On dirait que ça serait », presque tout est possible, tant que dure le jeu, tant que dure le conte.

 

LES ARTISTES CONTEUSES ET CONTEURS 

 

Qui sont-elles ? Qui sont-ils ? Où les trouve-t-on ? Où se retrouvent-ils, se retrouvent-elles ? On peut les trouver partout. Il suffit que le souffle du vent et le vacarme des machines ne couvrent pas leur voix. Quelques téméraires salles de spectacles les programment. Les médiathèques les accueillent souvent et ont été depuis 40 ans, un soutien régulier à l’art du conte. On peut les trouver également en balade au coin d’une rue, dans une forêt, à l’occasion d’un festival… à l’école ou en crèche. Il y a les compagnies professionnelles, les groupes amateurs, sans oublier tous ceux et toutes celles qui ont simplement envie de raconter à leurs enfants et à leurs amis. Tout le monde peut raconter, pourtant n’oublions pas que le conte est pour certains un métier et certainement une fonction de sens dans la société, tout comme le théâtre, la musique, la danse, les arts plastiques. Les artistes professionnels ont la responsabilité de faire vivre et de nourrir un répertoire de qualité, de se donner les moyens techniques et culturels pour servir aux mieux ces histoires anciennes, réactualisées ou toutes neuves, d’inlassablement chercher du sens, enrichissant les images portées par les mots, d’être des allumeurs de rêve, des réveilleuses d’énergie, des poseurs de récits qui suscitent des questions à chaque étape de notre humanité en mouvement et en questionnement souvent.

Ce métier du conte s’apprend, se bonifie, s’élargit avec le temps. Cet apprentissage a une part solitaire car le chemin de création fait des détours par les jardins singuliers et secrets de chacun. Mais cet apprentissage a besoin des autres, d’échanges. Il ne peut pas passer par la soumission à un maître ou une maîtresse. Ce travail d’apprendre le « métier du conte » nécessite des échanges où le regard écoutant d’un ancien, d’une ancienne pourra être entendu mais la parole d’un plus jeune, d’une moins aguerrie pourra donner à réfléchir à l’artiste expérimenté. L’apprentissage est artistique, technique mais aussi politique. Car s’interroger collectivement à la place que l’on a dans la société, c’est sortir de l’illusion que l’artiste est une sorte de prophète dont la parole individuelle serait magique, qu’il suffirait de raconter une histoire et dire (tel un colibri satisfait) j’ai fait ma part. 

 

PRENDRE LA PAROLE

 

S’inscrire dans la société, c’est le projet de plusieurs collectifs et regroupement de conteuses et conteurs, en particulier l’APACC dont l’objectif est d’être un lieu de réflexion sur la nature et les usages sans cesse en évolution de cet art de la parole et du récit. L’APACC se veut également un lieu d’initiative et c’est pour cela qu’elle a organisé en octobre 2022, le colloque de « bouches à oreilles », pour qu’un large éventail d’intervenants puissent témoigner de leur manière de comprendre et de mettre en action la notion « de conte et d’éducation » : non pas comme une morale, à coup de bons contes et de bons sentiments mais comme un appel à l’écoute, à la prise de parole reliée à une grande curiosité pour le monde réel et imaginaire.

D’autres associations, le RNCAP ou la FFR œuvrent pour la reconnaissance du conte comme un art à part entière, essentiel, qui a sa place et un rôle à jouer dans le monde en devenir en replaçant l’humain sensible, le vivant malicieux au cœur de sa pratique.

Faire connaissance et participer à ses groupements, collectifs et associations, c’est peut-être affirmer sa préférence pour la rêverie active chaleureuse face au froid virtuel sans saveur et sans odeur vers lequel nous entraine dramatiquement l’ignorance actuelle du monde vivant de la nature et de la culture que nous saccageons aveuglément.

Comme dirait un ami : « Que vive la parole sans pétrole et les mots pas macho, nous avons besoin de récits qui nous emmènent vers l’avenir à pied, à vélo et en bonne compagnie ! »

Guy Prunier, Conteur

Quelques associations

De nombreuses associations invitent localement à la rencontre des artistes et des amateurs de conte et que nous ne pouvons citer ici.

Quelques ouvrages autour de l’art du conte et de sa dimension sociale

  • Marchande d’étoile – Le rêve d’une conteuse d’aujourd’hui, Gigi Bigot, Éd. Quart Monde, La Grande Oreille
  • Clartés – Variations sur l’art du conte, Catherine Zarcate, Éd. D’Une Parole à l’Autre
  • Ce que disent les contes, de Luda Schnitzer, Éd. du Sorbier
  • Le pouvoir de contes, Georges Jean, Éd. Casterman
  • Le conteur et l’imaginaire, Pepito Mateo – Éd. EDISUD

Territoires d’éveil n°26

Publication : Mar 2023
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