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Une improvisation de l’instant – Jouer avec les éléments de la nature : musique et arts plastiques

Alain Paulo et Sylvain Gaudenzi permettent aux tout-petits et à ceux qui les accompagnent, de reprendre contact avec la nature. Leurs sessions de formation offrent une expérimentation riche et sensible.

 

Les deux amis se connaissent depuis longtemps et partagent ce qu’ils cherchent à retrouver et transmettre dans leurs formations : une expérience de l’instant, un art de l’improvisation nourri par les sources dont ils s’inspirent, des matériaux bruts et simples. Tous deux évoquent leurs souvenirs d’enfance fondateurs, pour Sylvain le temps passé dans son jardin familial en banlieue, pour Alain la forêt avec laquelle très jeune il est entré en communication, en particulier avec les oiseaux, à travers sa pratique du sifflement, héritée de son père. L’ouvrage de Christine Armengaud, La Musique verte, le marque durablement. Elle y évoque comment s’emparer d’objets de la nature pour les rendre musicaux : le sureau évidé qui ressemble au mirliton, les herbes folles qui sifflent, l’oignon en fleur qui devient un chalumeau à l’ancienne… Ces expériences traceront pour lui un chemin, qu’il élargira avec sa découverte d’instruments traditionnels d’origine naturelle et ancestrale, pierre, terre, calebasse, silex, qu’il utilise dans ses spectacles : « Ce sont des matériaux qui font du bien, avec des sons à l’image de la pureté de la matière ».

 

REPRENDRE RACINE

 

Pour Sylvain Gaudenzi, « toucher la terre c’est reprendre racine, se retrouver dans les éléments primaires, premiers. En crèche, la nature c’est surtout l’extérieur. La sensation du dehors amène le vivant ». Son objectif est de donner l’occasion aux adultes de se retrouver dans la nature dans un temps suffisamment long pour en ressentir les bienfaits, pour parvenir comme les enfants le font spontanément, à vivre l’instant et à comprendre ainsi ce qui fonde leur rapport à l’expérience artistique. « Il faut laisser les tout-petits explorer, manipuler, triturer, ne pas vouloir toujours les diriger ou les orienter. Ce qui est important, c’est de creuser la terre et d’y passer du temps. L’acte en soi, est très fort. Ils auront toute leur vie pour faire pousser des tomates ! » L’utilisation de l’argile blanche est sa façon de faire entrer la nature dans la crèche : « Avec l’argile, c’est l’idée du cycle, qui existe depuis 230 millions d’années : une fois sèche, on peut la casser, la broyer et quand on la remet dans l’eau, elle redevient maniable. C’est une matière vivante et changeante ».

 

COMMUNIQUER AVEC LE VIVANT

 

Retrouver cette symbiose avec le vivant, dit également Alain Paulo : « On fait partie intégrante de la nature et la beauté du son participe de la découverte esthétique : le chant des oiseaux, le souffle du vent, ses variations. La nature nous offre une partition musicale. » Elle est déjà pour lui un modèle sonore « qui nous offre cette variété de champ acoustique, de productions sonores en lien avec les actions qui les déclenchent. Mes ateliers et mes sessions de formation s’inspirent d’expériences simples : feuilles mortes, ruisseau qui coule… Je pars de cet imaginaire sonore pour construire de petites séquences, insuffler une histoire à partir du vent que l’on produit avec sa bouche, de coquillages que l’on frotte les uns avec les autres, du riz qui ruisselle dans mon tambour, afin de recréer un contexte naturel.

 

 

Leur qualité sonore détient une noblesse, c’est une manière de jouer la communion, avec quelque chose qui nous fait du bien, nous ressource. » Pour les deux artistes, ce rapport à la nature brute, est une mise en situation d’aventures primaires et poétiques, de découvertes non pilotées, sources de connaissances et d’émotions, qui conduisent à une dimension sensorielle et temporelle nécessaire à la construction de soi des très jeunes enfants. Et Sylvain Gaudenzi de conclure : « Il faut développer l’idée de la sobriété, laisser l’enfant expérimenter avec juste quelques éléments à sa disposition, simplifier ; c’est peut-être cela qui va nous sauver… ». 

Dominique Boutel

Territoires d’éveil n°34

Publication : Nov 2025
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