Premières pages

Dans sept départements de métropole et d’Outre-mer, les familles reçoivent en cadeau un livre illustré pour chaque enfant né ou adopté dans l’année. Les acteurs de terrain accompagnent cette première découverte du livre et de la lecture.

Des actions de sensibilisation au livre et à la lecture sont menées par certaines collectivités territoriales, en particulier les conseils généraux, depuis les années 90 et se poursuivent encore aujourd’hui, dans le Val-de-Marne, la Seine-Saint-Denis, le Puy-de-Dôme et l’Ardèche.

Dans le sillage du programme anglais, Bookstart, une convention a été signée en 2008, entre le ministère de la Culture et de la Communication et la CNAF afin de lancer à titre expérimental, l’opération Premières Pages. Trois départements pilotes ont été associés pour le lancement de l’opération en 2009 : l’Ain, le Lot et la Seine-et-Marne. Ils seront rejoints l’année suivante par le Puy-de-Dôme, les Pyrénées orientales, la Réunion et la Savoie. En 2012, après évaluation, l’action de Premières Pages se poursuit dans les sept départements et permet d’offrir un livre à chaque enfant né ou adopté dans l’année, soit environ 60 000 pour un peu plus de 800 000 enfants au niveau national.

ACCOMPAGNER LA LECTURE

Premières Pages vise à « familiariser l’enfant avec le livre dès son plus jeune âge et soutenir les parents dans leur fonction parentale». Pour les caisses d’allocations familiales, cette opération s’inscrit dans le cadre de leur mission visant à « soutenir la fonction parentale et faciliter les relations parents/enfants », mission inscrite dans la convention d’objectifs et de gestion signée entre la CNAF et l’État pour la période 2009-2012. L’opération témoigne de la volonté de réduire les inégalités d’accès à la lecture mais favorise également la coopération entre les réseaux de lecture publique et les acteurs de la petite enfance et de la parentalité. Est affichée la volonté « d’introduire le livre dans toutes les familles. Cette sensibilisation permet d’instaurer très tôt une relation avec le livre qui ne soit pas seulement utilitaire ou de l’ordre d’un apprentissage contraint mais qui s’inscrive dans une logique de plaisir et de découverte ». 

Les acteurs de terrain se sont emparés du projet, déclinant selon les territoires des formes d’accompagnement très diversifiées. Conscients qu’il ne s’agissait pas seulement de remettre un lot (album assorti d’un guide à l’usage des parents), les acteurs locaux ont très vite travaillé en réseau impliquant les bibliothèques, les relais assistantes maternelles, les centres sociaux, les lieux d’accueil enfants/parents, les crèches … Ce n’est que dans un second temps (après la période de remise des livres aux familles accompagnée d’actions sur le terrain entre février et juin) que les lots non retirés sont adressés par voie postale. 

Des groupes de pilotage locaux, associant les CAF, les DRAC et les bibliothèques départementales de prêt des conseils généraux assurent la mise en œuvre des projets d’accompagnement. Dans bon nombre de départements, la Mutualité sociale agricole est associée à l’opération. L’objectif est ambitieux : il s’agit de remettre le lot en faisant vivre un moment de lecture aux familles, en proposant des animations qui accompagnent l’acte d’une lecture partagée. L’objet-livre est alors incarné, expliqué, mis en scène pour devenir un objet plus familier, apprivoisé, partagé. Les initiatives sont nombreuses, riches et variées, prétextes à ateliers, rencontres avec des artistes et toute forme de proposition qui rend accessible l’objet livre aux parents qui n’auraient pas osé s’y intéresser. 

UN RITUEL SI PRÉCIEUX

Il n’est pas surprenant que la distribution du livre sélectionné suscite autant d’initiatives. La qualité des albums proposés en est la source. Le livre est un objet central pour un temps de partage, il déclenche les liens précieux qui rythment le temps de l’enfant, ouvre des espaces confidentiels entre les parents et les tout-petits. Le rituel de l’histoire peut renaître, inlassablement, pour accompagner le jeune enfant dans ses moments de vie. Le livre redevient synonyme d’imaginaire, il retrouve sa fonction de « doudou » culturel, il permet de recréer des liens entre les générations, il est aussi le premier pas pour découvrir ou retrouver des habitudes que le déchaînement des nouvelles technologies tend à faire disparaître. 

Conscients des enjeux, les partenaires ont donc imaginé un appel d’offre portant sur la conception, l’édition, l’impression et la livraison de l’album offert aux familles chaque année.

Sous l’égide de la CNAF un comité sélectionne quelques projets. Il est composé de représentants du ministère de la Culture et de la Communication, de la CNAF, de bibliothèques et librairies jeunesse, de professionnels de la petite enfance et des arts plastiques et d’experts associés. Suit une commission de sélection qui désigne l’album de l’année. Cette sélection drastique a pour mérite d’ouvrir la confrontation à l’ensemble des acteurs concernés et de garantir des critères de choix professionnels. 

Premières Pages permet donc de valoriser la littérature jeunesse. La commande d’un album original représente une aide à la création, distinguant ainsi un projet d’auteur de qualité et facilitant la diffusion de sa publication. Cette distinction est également sensible pour l’éditeur. 

L’année 2012 se révèle cruciale pour la pérennisation de l’opération, voire son extension à la moitié du territoire en 2015, conformément à l’annonce faite en 2010 lors de la présentation des « 14 propositions pour le développement de la lecture ». L’évaluation du projet après trois années d’expérimentation s’avère décisive pour la poursuite de cette belle initiative.

ν H.K.