Les initiatives des bibliothèques

Quand un département comprend le lien indispensable entre les acteurs du territoire, tous les partenaires se mobilisent. La bibliothèque départementale épouse ce mouvement.

Dans le cadre de ses missions habituelles, la bibliothèque départementale de prêt du Lot s’engage dans des actions mobilisatrices auprès des très jeunes enfants et de leurs familles. Après avoir mené le projet Croc histoires entre 2004 et 2011, les personnels s’impliquent activement depuis trois ans dans l’opération Premières Pages et opèrent un rapprochement significatif avec les structures de la petite enfance. Carole Flochlay, référente de la BDP pour Premières Pages, précise les contenus de cette mission : « Il est important de faire adhérer une équipe à un projet et de porter le même message et la même dynamique dans toutes nos actions auprès des lecteurs. Certes il faut faire preuve parfois de volontarisme pour faire tomber certains a priori mais nous avons tenté de démontrer que cette action était utile ; petit à petit elle est devenue une politique. Quand il n’y a plus d’école, de commerce ou de poste, la bibliothèque devient l’un des rares lieux de rencontre et le seul service public… Prendre en compte l’accès au livre dès le plus jeune âge, en accompagnant les familles est un enjeu de société et s’inscrit dans une politique de territoire. Au-delà même de la petite enfance, la lecture permet de renouer un fil parfois rompu, de favoriser les rencontres et le rapprochement des habitants ».

CRÉER DES HABITUDES

La BDP a donc entrepris un travail patient avec des centres sociaux, des RAM, un centre intercommunal d’action sociale…en organisant des rendez-vous réguliers autour du livre, en menant un travail pédagogique dans les bibliothèques. « Il fallait convaincre tous les professionnels de travailler ensemble et encourager la complémentarité entre le milieu petite enfance et celui des bibliothèques avec le souci de rendre visible les actions auprès des habitants qui ne venaient pas auparavant » précise Carole Flochlay. « Avec la CAF, nous avons divisé le département en quatre zones la première année afin de lister toutes les structures du territoire. Nous avons organisé des réunions territoriales et des réunions de service dans les réseaux comme ceux des centres sociaux et des RAM. Peu à peu ces réunions ont été reconduites, et tous les participants ont choisi au moins une implication dans le projet. Il fallait d’abord faire passer un message : passez la porte, ce n’est pas payant ! En instituant la gratuité de l’adhésion, nous avons encouragé la fréquentation. Remettre une carte c’est donner un sésame à la famille ! Avec l’objectif de faire circuler les livres, nous avons patiemment entamé un travail de fond dont l’étape de remise de l’album Premières Pages n’était pour nous que le commencement. »

La BDP a également opté pour une démarche de formation en partenariat avec le CNFPT. À la suite d’un état d’un recensement des besoins, la BDP a aidé les collectivités à formuler un plan de formation. La DRAC s’est inscrite dans ce travail de conseil et de formulation des besoins. Ce projet innovant, et déclinable, a réuni des professionnels du livre et de la petite enfance (toutes catégories confondues) en vue de constituer un socle commun de connaissances et de proposer des cycles de formation à parité pour les différents secteurs. La bibliothèque départementale a également participé à la qualification des bénévoles. 

Un cycle de formation de 10 jours s’est donc déroulé en 2011, reconduit en 2012. Chaque année marque une avancée, avec de nouvelles propositions ciblées comme les « rendez-vous du livre » pour les assistantes maternelles. En 2012, un encart intitulé « les droits du bébé lecteur » est glissé dans le carnet de santé des tout-petits. 

DES PROPOSTIONS

ADAPTÉES À L’ALBUM

À ce jour 21 bibliothèques participent à la remise des ouvrages dans une optique d’accompagnement de l’album offert. « Nous voulons mettre en place un réseau de confiance qui corresponde à un service de proximité » confirme Martine Muzas, directrice de la BDP. « Il est important d’insister sur la complémentarité des services afin de pouvoir toucher des parents hors réseau. Nous amorçons un travail avec les travailleurs à domicile. »

Carole Flochlay précise les modalités d’accompagnement imaginées dans les lieux de lecture : «  nous avons imaginé un dispositif autour de l’album. Le livre est un compagnon pour l’enfant, nous proposons donc des animations enfants/parents avec des outils spécifiques pour créer un événement autour de tapis de lecture par exemple ou autour d’une exposition interactive qui met en valeur la littérature jeunesse. Certaines bibliothèques achètent les ouvrages coup de cœur de notre bibliographie. Des libraires à Cahors, Figeac et une libraire itinérante s’associent à nos actions ».

Et le territoire prend le relai, comme en témoigne l’animation proposée à la médiathèque du pays de Lalbenque. Petite commune d’un peu plus de 1 600 habitants, Lalbenque est réputée pour sa fameuse truffe noire…mais on y trouve aussi un bâtiment contemporain, clair, confortable et accueillant qui regroupe l’office de tourisme, le RAM¹ et la médiathèque. Pour la première animation consacrée à la remise de l’album, le maire Jacques Pouget accueille en personne les familles venues avec les frères et sœurs plus grands pour recevoir l’album destiné au dernier nouveau né. 

Elise Palus, directrice de la CAF, Yves Périé, délégué à la lecture publique du conseil général se sont déplacés ainsi qu’une représentante de la Mutuelle sociale agricole qui accompagne les projets. Ce n’est pas uniquement une présence symbolique mais bien le reflet des efforts conjugués au niveau de tout le département pour encourager les familles à construire des pratiques de lecteurs. Le travail de sensibilisation porte ses fruits, les parents observent la réaction des tout-petits lorsque Chantal Boutes, lectrice, raconte Une chanson d’ours sur le tapis lecture conçu par Coline Hateau, plasticienne. 

Sophie Tourtellier, responsable du RAM est sensible à ce travail « qui évite de rentrer dans une routine et permet de toujours s’interroger sur ses pratiques. Nous voyons maintenant que les enfants ont pris l’habitude de lire, que les parents sont sensibilisés. Souvent nous travaillons à deux pour observer les petits ». Hélène Réjale, directrice de la médiathèque, propose une animation par mois. Des expositions, des lectures collectives complètent les activités déjà riches. L’activité de la médiathèque de Lalbenque est un exemple parmi d’autres au niveau d’un département qui a bien compris le lien indispensable entre les structures culturelles, sociales et d’accueil. En constituant un réseau nourri des initiatives de tous, c’est un véritable service aux habitants qui se développe, gage de dynamisme pour un territoire qui pourrait être menacé par sa forte ruralité. Les acteurs sont bien conscients des enjeux.

ν H.K.