Le droit à la ville pour les bébés !

Deux chercheurs enquêtent sur la place de la petite enfance dans les espaces publics et publient un manifeste du droit à la ville pour les bébés !

En 2022, Aurélien Ramos, paysagiste et Pauline Cabrit, urbaniste, répondent à l’appel à projets du label BMA de la région Bruxelles-Capitale, dont l’objectif est de faire émerger des sujets non traités des politiques d’aménagement. Avec le projet Politique du lange, ils proposent de se saisir de la question de la place des tout-petits dans l’espace public. Devenue mère, Pauline Cabrit a vu son expérience de la ville bouleversée. « Nous avons eu envie de documenter ce que l’arrivée d’un enfant implique dans notre manière de pratiquer l’espace public » explique Aurélien Ramos. Lors d’une rencontre professionnelle organisée par l’association Un neuf trois Soleil !, il souligne que « si des initiatives émergent en faveur d’une ville à hauteur d’enfant, elles ne concernent trop souvent que ceux en âge d’être scolarisés. La petite enfance est la plupart du temps oubliée dans les politiques d’aménagement. Or, nous formulons l’hypothèse que la ville peut (doit !) être une source de découvertes et de propositions pour les bébés. »

UN DIALOGUE ENTRE DEUX MONDES

Aurélien Ramos et Pauline Cabrit entament une enquête croisée afin de permettre le dialogue entre le monde de la petite enfance et celui de la fabrique de la ville. D’abord réalisée sous forme d’entretiens, l’étude se poursuit sur le terrain. Des acteurs de l’aménagement des espaces publics sont conviés à participer aux balades quotidiennes de certaines crèches dotées de babybus¹.

« Elles ont eu lieu dans deux quartiers très différents, Sainte-Catherine et Les Marolles » raconte Aurélien. « On suivait le parcours habituel des professionnelles avec les tout-petits en étant témoins de toutes les difficultés rencontrées : passer sur les trottoirs, chercher un endroit pour se poser, changer les enfants… On a observé le caractère exceptionnel de ces promenades : des personnes âgées qui attendent avec impatience le passage des babybus, des moments pouvant nous paraître ordinaires mais qui font événement aux yeux des tout-petits : acheter du pain, passer à côté des voies de chemins de fer, observer le passage des trains ! » 

LE POTENTIEL SENSIBLE DE LA VILLE

Observer la ville à hauteur des tout-petits, c’est porter une attention particulière aux sols, aux matériaux, aux odeurs, aux textures, à tout ce qui est à la portée des bébés. La ville devient une source d’éveil. « Pour les adultes et urbanistes que nous sommes, cela demande de déconstruire nos propres peurs et nos projections sur les situations à risque. Malgré une règlementation drastique, qui pèse sur le quotidien des professionnelles, elles ont à cœur de maintenir ces sorties qui représentent des moments privilégiés avec les tout-petits. » 

Les résultats de l’étude proposent des pistes d’amélioration visant à nourrir les politiques d’aménagement de la ville par une meilleure prise en compte des droits et des besoins de la petite enfance. Pauline et Aurélien publient également un Manifeste du droit à la ville pour les bébés, accessible en ligne, qui décline en dix articles la manière dont la ville peut répondre aux besoins des tout-petits et de leurs familles. Du droit de téter en plein air au droit d’avoir un horizon, l’objectif de ce « premier guide pour penser, concevoir et aménager les espaces publics à hauteur des tout-petits » est également de s’inscrire dans une démarche plus politique et de militer pour la reconnaissance des tout-petits et des adultes qui les accompagnent comme des acteurs à part entière de la ville !

• Aurore Brosset