Faire vivre l’itinérance

En milieu rural, le RAM itinérant relève parfois de la prouesse. La régularité des accueils garantit une inscription dans les territoires.

 

À l’origine éducatrice de jeunes enfants, Patricia Marchetti est animatrice d’un RAM associatif itinérant qui se déploie sur cinq communes de 1 000 à 3 000 habitants. Le fonctionnement repose sur un partenariat entre la CAF, l’association La Nouvelle Étoile et ces communes. Patricia Marchetti a pris ses fonctions répondant à un souhait de la CAF « faire vivre l’itinérance » sur des territoires ruraux. Aujourd’hui, elle partage le territoire avec quatre collègues, toutes éducatrices de jeunes enfants. Le service est reconnu, même si beaucoup reste encore à accomplir.

Comment gérer un territoire aussi vaste ?

Patricia Marchetti : Le maître mot est adaptabilité ! J’ai commencé avec quatre communes, j’en suis à cinq : Bouffémont, Puiseux-en-France, Maffliers, Champagne sur Oise et Le Thillay. Je suis présente un jour par semaine dans chaque ville et j’interviens le plus souvent dans lieux aussi différents, qu’un centre social, une salle polyvalente, un centre de loisirs, une salle de spectacle… Pour un “accueil jeu” ces lieux si différents demandent beaucoup de manutention, je dois tout installer avant la venue des assistantes maternelles et quand je pars, je dois tout ranger. Il faut aussi aller chercher les clés… Au total je travaille avec 70 à 80 assistantes maternelles qui accueillent 110 à 120 enfants. À Bouffémont, le RAM est hébergé dans une maison de la petite enfance flambant neuf, je vais pouvoir prendre mes marques, installer des choses plus pérennes et échanger avec le personnel de la crèche. Lorsque 15 assistantes maternelles arrivent avec les enfants, je dois répondre à l’attente et gérer les conditions matérielles d’accueil, ce qui n’est pas toujours simple. Avec le RAM itinérant se pose la question de l’identification d’un service, d’une activité ; sans lieu de référence adapté, l’objectif est difficile à atteindre. Comment laisser nos empreintes dans des locaux qui ne sont pas des lieux de l’enfance ? Souvent la trace de notre travail se résume à un panneau d’affichage ; l’identité d’une activité est souvent liée à l’endroit où elle se déroule, ce qui donne des repères aux assistantes maternelles. Ce point est plus difficile.

Avez-vous constaté une évolution des pratiques ?

P.M. : Les assistantes maternelles sont de plus en plus nombreuses à fréquenter le RAM, la demande est en constante progression. Une animatrice de relais doit proposer des temps d’accueil réguliers, pour installer des habitudes et faire progresser l’idée que l’enfant n’est pas « gardé » mais accueilli. C’est un métier à revaloriser tout en sachant que nous ne sommes pas des formatrices mais des professionnelles dont l’objectif est d’accompagner et de soutenir. Il nous faut parvenir à composer avec tous ces éléments. Au relais, nous sommes là pour soutenir l’enfant dans ses découvertes, pas pour produire du résultat même si la demande d’activités est forte. Je ne considère pas devoir proposer des idées pour la fête des mères ou Noël mais créer des conditions où l’enfant va vivre à la fois un temps pour lui-même et un temps collectif d’échanges avec d’autres enfants et d’autres adultes. Quand j’aménage une salle par exemple, je propose de détourner des objets du quotidien pour réaliser des activités corporelles. J’organise des parcours favorisant le mouvement pour les enfants. Je ne fais pas des ateliers peinture, en plus je n’ai souvent ni le temps ni la place! Si je propose un jeu avec du sable ou de la semoule, ce n’est pas dans une recherche de réalisation mais pour cerner la notion de contenant/contenu, ce n’est pas seulement pour « patouiller » ! 

Dans toutes mes propositions, j’envisage le lien que les assistantes maternelles vont pouvoir tisser avec leur travail quotidien, chez elles, quand elles seront seules. 

Quels sont vos liens avec la CAF ?

P.M. : Nous avons des réunions de réseau par secteur avec la conseillère technique de la CAF. Ces temps de travail sont importants pour l’information, l’échange sur des problématiques précises, la réflexion sur la recherche d’intervenants…Nous pouvons avoir à l’ordre du jour un thème comme l’accompagnement de la parentalité et partager nos expériences de terrain. Nous avons également des temps de formation : une journée sur le livre et la lecture en partenariat avec la bibliothèque départementale de prêt, une journée avec une conteuse, deux journées avec Enfance et Musique…Les techniciens de la CAF nous accompagnent. 

À titre personnel, je sens que la formation est très enrichissante même s’il n’est pas toujours évident de transposer sur le terrain. Durant la formation on absorbe, ensuite on envisage comment appliquer et investir de nouvelles compétences. Je suis dans une dynamique de sensibilisation des assistantes maternelles ; au RAM, j’utilise ma guitare systématiquement pour petit à petit installer des pratiques vocales, même timides. Comme le dit Anne Marie Fontaine1 « l’adulte est un phare qui éclaire par sa bienveillance et sa position ». Je dois donc maitriser des outils pour les transmettre et trouver comment les transmettre. C’est aussi avec le temps que l’on peut observer de réelles mises en œuvre. Alors je suis patiente pour donner progressivement des outils afin de revaloriser un métier. Je considère aussi que mon métier c’est de favoriser la construction de partenariats.

À Champagne sur Oise nous avons créé, avec la bibliothécaire, un prix du livre des assistantes maternelles et des bébés pour favoriser une prise de conscience du livre. Douze assistantes maternelles ont été concernées ; la première année nous avons travaillé l’accueil en bibliothèque, ensuite la venue de livres sur le temps du RAM. Je crois que ce projet a permis une venue autonome à la bibliothèque des assistantes maternelles et des enfants et qu’il a donné l’envie d’y retourner.

Vous multipliez les projets en assurant le quotidien, comment envisagez-vous les évolutions du RAM ?

P.M. : Le RAM itinérant est une réponse aux petites communes qui n’ont pas les moyens d’ouvrir un lieu à temps plein. Notre rôle est de proposer un service régulier pour créer des habitudes, des possibilités de rencontre et devenir visibles sur le territoire. L’association qui nous emploie, La Nouvelle Étoile est une structure solide qui compte près de 300 salariés. À nous de nous inscrire dans les intercommunalités, d’écouter les souhaits des assistantes maternelles, de mutualiser les intervenants. Le RAM est un lieu porteur qui fait exister la petite enfance, dynamise un territoire et ses habitants et offre des perspectives d’investissement professionnel aux assistantes maternelles. Notre coordination avec la CAF, nos chemins de formation personnelle sont autant de facteurs qui visent à qualifier nos services et leurs utilisateurs. Nous avons des outils à transmettre et nous devons réfléchir aux modes de transmission de ces outils. La mise en œuvre des savoir faire se réalisera dans la durée, en passant par notre propre construction professionnelle.

H.K. ν

 

1 – Anne-Marie Fontaine : formatrice secteur Petite Enfance à l’École des Parents et des Éducateurs et au CNFPT. Maître de conférences en psychologie de l’enfant, université de Paris 10 – Nanterre.

La Nouvelle Étoile

Créée en 1891, reconnue d’utilité publique en 1896, cette association est l’une des plus anciennes associations laïques et apolitiques, consacrée à la protection maternelle et infantile, au service des familles les plus démunies ou en détresse. 

La Nouvelle Étoile a été force de proposition tout au long de son histoire dans la création des premières pouponnières, des premiers centres d’hygiène dispensant des soins gratuits, et du premier centre de médecine préventive familiale. Elle a tenu un rôle précurseur dans le développement d’un réseau de crèches et d’assistantes familiales et maternelles ; 

Aujourd’hui elle compte 11 sites d’accueil, 5 000 actions itinérantes, 5 crèches et 1 jardin d’enfants, 2 centres de placement familial socio-éducatif, 1 centre d’accueil maternel pré et post natal, 1 centre d’hébergement et de réinsertion sociale, 1 réseau de 195 assistantes maternelles et 270 salariés. Ses lieux d’implantation sont Paris, l’Essonne, les Yvelines. 

Dans le Val-d’Oise, La Nouvelle Étoile est à la tête d’une crèche collective et de 4 RAM couvrant 16 communes.

La Nouvelle Étoile

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Tél. : 01 40 46 69 50

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