Théâtre Lillico

Les multiples initiatives de Lillico croisent les chemins de la petite enfance. En collaboration avec Caf et familles, des créations animent le territoire. 

On ne présente plus Lillico et ses vingt-cinq années d’expérience… 200 créations, 500 compagnies diffusées et 300 000 spectateurs venus assister aux représentations du festival Marmaille, de la programmation annuelle et de Marmaille en Fugue. Le Théâtre Lillico s’est construit une vraie place parmi les professionnels, son implication n’est plus à démontrer tant au niveau de ses choix artistiques que du travail patiemment réalisé sur les terres bretonnes.

Aujourd’hui Lillico perd son théâtre et déménage rue de Brest. À la fin novembre, l’équipe organise une grande braderie et disperse le matériel de théâtre, de bureaux, des affiches…

Une nouvelle association gestionnaire, « l’association Lillico » créée en octobre 2012, prend le relais, de nouveaux locaux accueillent une équipe plus que jamais prête à « s’investir pour faciliter l’accès à la culture des plus petits ». 

« L’occasion d’un nouveau départ » commente Christelle Hunot, directrice artistique et toujours militante de terrain. « Nous affirmons que le public des enfants est spécifique, psychologiquement, sociologiquement et économiquement. Il requiert une approche particulière. Il est pourtant identique aux adultes dans ses émotions, dans ses attentes pour peu qu’on le resitue dans le contexte de son développement, tranche d’âge par tranche d’âge. La recherche artistique et esthétique adaptée à l’âge des spectateurs est une voie ouverte. »

Tout commence en 1988. Les projets sont construits en lien avec la population d’un quartier qualifié de sensible, Lillico élabore un théâtre pour le jeune public et la famille, dans un esprit d’éducation populaire teinté de politique de la ville. «Il nous fallait donner accès aux espaces artistiques pour le plus grand nombre et dès le plus jeune âge ; nous avons toujours revendiqué la dimension de projet citoyen à travers toutes nos actions ». Christelle Hunot et son équipe inaugurent le festival Marmaille en 1993, élargi à Marmaille en fugue dès 1996 sur tout le territoire du département. «L’axe culturel était encore plus large, il nous fallait donner des réponses aux communes qui nous sollicitaient. Après une reconnaissance de terrain, c’était à nous d’établir une programmation qui répondait aux attentes des familles. Nous avons rempli une mission de conseil, avec des modes opératoires légèrement différents du festival Marmaille car nous prenions en compte les spécificités territoriales. Il existe aujourd’hui beaucoup de lieux pour le jeune public mais tout reste difficile pour les petites communes, tant d’un point de vue financier qu’en termes de relais sur le terrain (avec des bénévoles à trouver notamment). Nous avons développé des accompagnements à la création, installé des résidences. Aujourd’hui les deux événements se rejoignent pendant dix jours en octobre et le département d’Ille-et-Vilaine, fidèle à ses engagements, soutient Marmaille et Marmaille en Fugue. Ces festivals sont l’illustration d’un foisonnement d’énergies, d’échanges et de partage autour d’une ambition : celle d’ouvrir la culture au plus large public et dès le plus jeune âge ».

Dès 1998, Lillico s’ouvre au très jeune public ; le théâtre d’objets inaugure dans la programmation, un axe de travail qui ne cessera de s’étendre en croisant les préoccupations des parents, des professionnels de la petite enfance et des artistes. Lillico réfléchit avec des compagnies aux démarches spécifiques pour accompagner les publics et propose des actions en termes de formation, de conférences, de recherches. « Avec SCAPA Compagnie nous avons commencé un travail sur l’art et la parentalité, en nous posant la question des outils artistiques et pédagogiques. L’idée est de rester sur l’œuvre d’abord et avant tout, sans pour autant délaisser tous les modes d’accompagnement. 

Pour Lillico, le développement des actions destinées à la petite enfance est une orientation marquante de cette année 2013. Nous avons pu initier de nombreux projets destinés aux plus petits, en lien étroit avec les professionnels concernés. Pour cette édition, Marmaille en Fugue a été accueilli dans des salles très diverses, permettant au public de découvrir des propositions plus variées dans l’esthétique et dans les contraintes techniques associées.

Nous avons présenté de jolis moments à partager en famille, à Rennes, dans l’agglomération et le département. Saint-Coulomb, Saint-Aubin-du-Cormier, Hédé et la Communauté de Communes de Bretagne Romantique ont rejoint les communes de Pacé, Baulon et Rennes pour cette nouvelle édition ».

Dans la poursuite de son projet autour du spectacle vivant, Lillico a développé sa programmation annuelle et créé un lieu dédié au livre d’art et à la petite enfance : La Chuchoterie. « Pour favoriser une action en direction des lieux désertés et défavorisés, nous avons voulu élaborer un outil de valorisation des ouvrages consultables à la Chuchoterie. Notre objectif est d’enrichir la découverte de l’objet livre, dans un contexte où les déplacements des petits sont limités. La création d’une œuvre originale pour exposer les ouvrages nous permet de créer du lien entre le fonds documentaire et son mode de présentation. Nous souhaitons également favoriser la mobilité en concevant un support léger, facile à manipuler. L’enjeu a été de créer une œuvre d’art mobile et sécurisée afin de nous déplacer dans les lieux partenaires des quartiers. Nous envisageons en moyenne dix sorties pour la saison 2013-2014 ».

En poursuivant cette démarche, deux artistes ont été sollicités pour inventer un mobilier d’art destiné à recevoir les livres d’artistes. Laurance Henry, metteuse en scène de la Compagnie a k entrepôt et Anouchka Potdevin artisan designer ont créé un mobilier d’art pour les ouvrages. Ce mobilier a été inauguré en mars 2013 lors de l’ouverture du mois de la petite enfance, organisé par Lillico, à Rennes et dans le département ; il sert à la diffusion des ouvrages d’art destinés aux enfants de la naissance à 6 ans, dans des lieux autres que la Chuchoterie. Nomade, il peut être installé dans les lieux de vie petite enfance. Il s’adapte aux surfaces disponibles et se déploie en fonction de l’espace. Inauguré lors du salon Rue des Livres, le mobilier a été accueilli par Caf et familles en mars 2013, puis en crèche. 

La Chuchoterie est une invitation à être dans l’espace grâce à la scénographie. On peut y venir le matin, y compris pendant les vacances scolaires, l’adhésion coûte deux euros par an et par personne. Christelle Hunot souligne que « des artistes plasticiens, graphistes, photographes, designer, poètes ou sculpteurs… ont un jour dédié leurs créations à l’enfance. Ils nous proposent des ouvrages très divers qui ne manquent pas de séduire au gré des pages en relief, en couleurs, en pliages… Nous avons répondu à une envie précieuse en créant la Chuchoterie. Souvent on me demande si les livres ne sont pas abîmés par les manipulations nombreuses. Nous n’avons pas à renouveler sans cesse notre fonds. Le beau livre (nous avons des ouvrages rares et chers, en édition limitée) induit un rapport particulier à l’objet, que l’on respecte. Au-delà du bel objet, nous avons réfléchi au rapport à la dimension, la taille d’un très grand livre par rapport à la taille d’un enfant. Nous avons envisagé également le livre volume, Le coucou cachette, l’objet support à l’imagination… Les pistes de réflexion sont innombrables dans ce lieu de vie fréquenté par des familles ». 

Dans la même dynamique que celle élaborée autour du spectacle vivant de qualité pour les plus jeunes, Lillico a naturellement développé un axe de programmation à destination des tout-petits. « On ne travaille pas pour la petite enfance par hasard » affirme Christelle Hunot. « Le spectacle vivant est un moment éphémère, une bulle rare, un moment de suspension… Au-delà du plaisir immédiat, nous nous sommes questionnés sur la médiation, en essayant de maintenir cette notion de «  lâcher prise  » qui est si importante dans la proposition artistique pour le tout-petit ». Une collaboration s’est installée avec la Compagnie a k entrepôt qui se décline en plusieurs volets : développer un travail de création en crèche, proposer des temps de formation avec le metteur en scène à destination des professionnels et passer commande du mobilier d’art pour la Chuchoterie. « Nous avons voulu impulser un travail de réflexion sur l’accueil de résidences d’artistes en crèche. Nous souhaitons questionner la création artistique dans les lieux de vie, en lien direct avec le public des tout-petits. Les enjeux sont multiples puisqu’ils croisent la question du retour aux fondamentaux et l’approfondissement de l’univers artistique de l’artiste. Cela implique de bousculer les habitudes dans les lieux de vie en proposant des temporalités et des activités différentes, et enfin de faire se rencontrer les univers de l’artiste, de l’enfant et du professionnel dans un élan d’apprentissage réciproque. La place des parents dans le processus de création est, elle aussi, questionnée : leur implication, leur parole, leur rapport au corps et à la communication non verbale ».

Les actions entreprises visent également à favoriser la rencontre des champs professionnels concernés par la petite enfance. « Le travail de connaissance mutuelle entrepris pour le volet de la résidence en lieu de vie est complété par une action de «  formation-rencontre  » avec la metteuse en scène Laurance Henry. Familière des formations à destination des professionnels de la petite enfance, elle a conçu  avec l’équipe de Lillico six rencontres, temps d’échanges et d’apprentissages réciproques pour nourrir encore les discussions de fond ». Christelle Hunot évoque les temps de rencontre qui ont ponctué la résidence.
« Le sixième rendez-vous est un moment où l’on conclut sur ce qui a été échangé, bâti. C’est aussi un temps où peuvent s’esquisser d’autres demandes plus précises, d’autres parcours à venir, à écrire, à construire avec des équipes artistiques ou autres ». En un, mot l’avenir de Lillico qui ne cesse de réinventer des chemins à parcourir.

H.K. ν